Amis ou ennemis?

Raiffeisen se querelle avec la banque Vontobel sur les détails de leur coopération. Grâce à sa nouvelle filiale Notenstein, la première a maintenant moins besoin de la seconde. La Banque Suisse, 31 Octobre 2012

A l’affiche de cette pièce de théâtre passionnante, „Le malin contre le réglo“. Ça ressemble un peu à un polar. Côté cour, Pierin Vincenz, patron du grand groupe bancaire Raiffeisen. C’est l’impulsif malin qui adore se placer sous le feu des projecteurs. Côté jardin, Zeno Staub, patron de la petite et raffinée banque privée zurichoise Vontobel. C’est le cérébral, réservé et froid. Avec ces deux-là, la scène financière helvétique vit une nouvelle fois un duel entre deux archétypes.

La NZZ am Sonntag titrait récemment sur la „Pomme de discorde Notenstein“ et relatait comment Pierin Vincenz et Zeno Staub s’étaient enguirlandés à propos de l’incorporation de la filiale Notenstein dans une collaboration existante. Les deux établissements se disputent autour de leur contrat de coopération. Il doit valoir aussi pour Notenstein, argumente pour sa part Zeno Staub. Faux, rétorque Pierin Vincenz. On avait même évoqué le tribunal arbitral.

L’affaire n’ira pas aussi loin, car il semble que Pierin Vincenz fléchisse. „Nous entendons régler les choses pacifiquement, assure-t-il. C’est pourquoi nous recherchons maintenant une solution win-win.“ Quant à la banque Vontobel, elle refuse de s’exprimer sur le litige.

Une simple tempête dans un verre d’eau, alors? Pas du tout. Zeno Staub prend l’affaire très au sérieux. Il joue sur le fait que le contrat règle le partenariat avec la plus grande précision. L’accord précise jusque dans les moindres détails, pour les produits structurés, quelles prestations et quels produits Raiffeisen prend exclusivement chez Vontobel et quel prix sera payé au partenaire à cet effet.

En 2008, Vontobel jubilait quand la collaboration avait été prolongée de manière anticipée jusqu’en 2017. En échange, Pierin Vincenz obtenait certaines libertés sur les produits: c’est ainsi que Raiffeisen a lancé des fonds indiciels gérés par la banque privée Pictet à Genève. Apparemment, les deux partenaires étaient satisfaits des résultats, sans quoi ils n’auraient pas prolongé précocement leur collaboration pour dix ans. Celle-ci s’appuyait sur une prise de participation de 12,5% de Raiffeisen chez Vontobel, d’une valeur de 250 millions de francs. Un élément de la transaction était le droit de reprendre la banque privée zurichoise aussitôt que la famille Vontobel aurait voulu vendre. Tout paraissait harmonieux. Jusqu’à ce qu’en début d’année Pierin Vincenz rachète le successeur de Wegelin, sous le nom de Notenstein Banque Privée. D’un coup, le partenaire à 100% se muait en adversaire à 50%. Notenstein et Vontobel ont toutes deux pour activité principale la prise en charge de clients fortunés, avant tout de riches Suisses pour lesquels Notenstein est particulièrement bien équipée. Alors que Raiffeisen se félicitait des prestations de Vontobel dans les affaires commerciales et les produits financiers, Notenstein possède désormais elle-même, dans une certaine mesure, les mêmes capacités.

En toutes circonstances, Vontobel souligne qu’elle a tout pour affronter l’avenir, notamment grâce à son équipement informatique très performant. Elle reste plus discrète sur le fait que, malgré 140 milliards d’avoirs de clients, elle a urgemment besoin d’argent frais pour que son équipement high-tech redescende enfin à des coûts unitaires admissibles.

Un prêté pour un rendu

De son côté, en achetant Notenstein, Pierin Vincenz s’est lancé dans une aventure délicate. La banque privée compte 600 employés alors qu’elle n’a que quelque 20 milliards d’avoirs de clients sous gestion. Soit moins de 30 millions par tête. C’est peu pour financer une informatique coûteuse et désuète. Indépendamment de la question de savoir de quelles prestations Notenstein bénéficie de Vontobel, Pierin Vincenz est obligé de réduire la taille de sa filiale. Seulement, il n’aime pas les restructurations. Ce qui est sûr, c’est que les deux partenaires ont des problèmes. Ils ne peuvent se permettre de casser leur coopération. Il semble que Pierin Vincenz soit déjà arrivé à cette conclusion: „Dans ce genre d’affaire, il y a toujours un prêté pour un rendu. Au bout du compte, nous nous mettrons d’accord, j’en suis persuadé.“

Derrière cette offensive de charme pourrait aussi se cacher un calcul. Pierin Vincenz ne compte peut-être pas tellement sur l’impitoyable et strict Zeno Staub comme interlocuteur, mais sur son prédécesseur Herbert Scheidt. L’Allemand, qui était le patron de Vontobel jusqu’à il y a un an, détient aujourd’hui la décision ultime en tant que président du conseil d’administration. Et il y aura certainement encore des points plus importants à négocier.


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